mardi 21 octobre 2008

Eléments d'information concernant la vente des hôtels Aubriot et Chambellan


Le « Bien Public » avait annoncé le 17 octobre 2007 l’éventualité de la vente de l’hôtel Aubriot, situé 34-36 rue des Forges qui avait été légué à la ville par Stephen Liégeard, édifice qui a longtemps abrité la Musée Perrin de Puycousin, dont les collections ont rejoint le Musée de la Vie bourguignonne. Le très vaste ensemble immobilier donnant à la fois sur la rue des Forges et sur la rue Musette est partiellement loué, partiellement occupé par un service municipal et partiellement sans usage. Seules les façades sont aujourd’hui visibles et une vente ne semblait pas a priori priver les Dijonnais de l’accès à un monument. Cependant ce très important et très remarquable hôtel médiéval ne bénéficie d’aucune protection au titre des monuments historiques. C’est pourquoi, au nom de l’Association, j’ai déposé une requête pour obtenir un examen de la situation de cette maison en adressant la copie de la lettre suivante à Monsieur le Directeur des Affaires culturelles de Bourgogne.

Madame Christine Lamarre,

Présidente de l’Association pour le Renouveau du Vieux Dijon,

43, rue Chabot-Charny

21000 Dijon

A

Monsieur le Directeur des Affaires culturelles de Bourgogne

Dijon, le 13 février 2008

Monsieur le Directeur,

J’ai l’honneur d’attirer votre attention sur le sort d’un immeuble du Secteur sauvegardé de Dijon : l’hôtel Aubriot, situé 40 rue des Forges, appartenant à la ville de Dijon, qui souhaite s’en défaire. En dépit de son intérêt majeur, cet édifice n’est pas protégé au titre des Monuments historiques, je me permets donc de vous demander l’examen de sa situation dans une prochaine CRPS.

Plusieurs raisons plaident pour une inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, les voici brièvement résumées. Pour plus de renseignements vous trouverez avec cette lettre les copies des principaux articles consacrés à cet hôtel, d’où j’ai tiré les brèves indications qui suivent.

· C’est une des constructions majeures de l’ancienne rue principale de Dijon (rue Notre-Dame, aujourd’hui rue des Forges) avant que la rue de la Liberté ne soit ouverte. Il est situé au carrefour avec la rue du Bourg, autre axe majeur de la ville. Cette localisation en fait un monument « cible » dans la ville actuelle et un monument sensible, nombre de photographies, cartes postales etc… en témoignent.

· C’est une des plus anciennes constructions de la ville. La forme de la parcelle sur laquelle il est édifié (13x31 mètres), une mention dans un texte du 6 août 1341 comme « li voute des cheanges » permettent de savoir qu’il a du être un bâtiment semi-public destiné aux changeurs, ce dont témoignent encore les éléments retrouvés dans un sous sol semi-enterré, destiné peut-être à servir de passage. De cette époque datent également des éléments de la façade (au premier étage) retrouvés lors des travaux de restauration menés par Stéphen Liégeard en 1908, il y a juste cent ans. Ils étaient assez nombreux pour permettre des hypothèses de datation (1200-1250) et des comparaisons avec les éléments sculptés de la façade de l’église voisine Notre-Dame. Un dessin du XVIIIe siècle atteste de la fidélité de la reconstruction pour cette partie de la maison.

· Des altérations de la façade primitive ont eu lieu lorsque l’édifice est devenu un hôtel appartenant aux Aubriot dont le plus célèbre fut le prévôt de Paris au temps de Charles V qui commença les travaux de la Bastille. C’est sans doute au moment de cette occupation en habitation privée que furent construites les hautes lucarnes dans le style du XVIe finissant. D’autres modifications, encore apparentes, furent occasionnées par l’installation du présidial, tribunal royal de première instance. C’est alors que la façade fut ornée d’un portail toujours en place et que la façade postérieure, sur la rue Musette, fut totalement refaite et ornée d’un fronton qui permettait de reconnaître la vocation publique des lieux. Ces aménagements ont été réalisés vers 1750 sur des dessins de Le Jolivet.

· En 1796 l’ensemble a été vendu à deux négociants qui modernisèrent fortement la façade de la rue des Forges en 1800. La campagne de restauration de 1908 tenta de retrouver un état médiéval, proche de l’original pour le premier étage, nous l’avons dit, sans doute plus éloigné pour le rez-de-chaussée anciennement altéré. Des statues furent rétablies sur le portail XVIIIe siècle, elles tiennent un cartouche aux armes de S. Liégeard, la grande toiture de tuiles vernissées, sont dues à la restauration de 1908, intéressant exemple d’historicisme.

Les qualités architecturales et l’intérêt historique de ce bâtiment sont indéniables. La complexité de son histoire et le caractère composite de la façade de la rue des Forges ne devraient pas être une entrave à la protection, puisque toutes les interventions ont été faites avec grand soin et sont de qualité et qu’elles attestent des reconstructions incessantes dans des villes que l’on a pu comparer à des palimpsestes.

L’hôtel Milsand, voisin de l’hôtel Aubriot, a fait l’objet de campagnes de fouilles qui ont déjà permis de se rendre compte de tout l’intérêt d’un examen archéologique complet dont il serait très souhaitable qu’il bénéficie également (voir articles joints).

Le règlement du secteur sauvegardé de Dijon ne protège pas les intérieurs. Je connais mal cet ancien Musée fermé depuis longtemps et pas du tout la partie louée actuellement, mais les travaux archéologiques et le relevé de la cave entrepris en 1984-1985 ont permis d’établir que le sous sol est constitué d’un seul grand espace voûté à trois travées reposant sur dix colonnes desservi par deux larges escaliers sur les rues des Forges et Musette. On aurait eu là un espace semi-public mettant en relation les deux grandes rues marchandes de Dijon, peu après que la charte de commune ait permis l’essor urbain. Cet espace est un des très rares témoignages d’une architecture urbaine du XIIIe siècle qu’il serait très dommageable de laisser sans protection.

En vous remerciant, Monsieur le Directeur pour l’attention que vous avez bien voulu porter à ce courrier, et en espérant que vous accueillerez favorablement ma demande d’examen de l’hôtel Aubriot par la commission permanente de la CRPS, je vous prie de recevoir l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

Cette lettre est jusqu’ici restée sans suite.

J’ai eu l’occasion d’indiquer mon inquiétude et celle de l’Association dans un article du Bien Public le 17 février 2008.

Puis on a appris que l’hôtel Chambellan allait également être vendu par la ville. Là, le préjudice des Dijonnais risque d’être bien plus grand encore. Cet hôtel, propriété de la ville, n’est accessible que par un étroit couloir au bout duquel les touristes avaient la surprise de découvrir avec l’Office de Tourisme une des plus belles cours médiévales de la rue des Forges, principale artère de la ville ancienne, et un remarquable escalier dont la vis se termine par la très célèbre (et unique) figure d’un jardinier dont la corbeille reçoit toutes les nervures d’une voûte remarquablement ornée.

En accord avec la Commission des Antiquités de la Côte-d’Or, une lettre commune a été adressée à Monsieur le Maire de Dijon, en voici le texte :

Association pour le Renouveau Commission des Antiquités

du Vieux-Dijon de la Côte-d’Or



Dijon, le 25 juin.

Monsieur le maire,


L’ordre du jour du Conseil municipal du 30 juin prochain porte « désaffectation, déclassement partiel du domaine public communal et cession » des deux plus belles demeures de la rue des Forges, l’Hôtel Aubriot et l’Hôtel Chambellan.

Présidents de structures vouées, depuis près de deux siècles pour l’une, depuis plusieurs décennies pour l’autre, à l’étude et à la défense du patrimoine local, nous ne pouvons qu’exprimer, non seulement en notre nom propre mais surtout en celui de nos membres et associés, notre profonde inquiétude devant une telle annonce.

L’Hôtel Aubriot et l’Hôtel Chambellan sont deux fleurons de notre patrimoine monumental, auxquels les Dijonnais sont extrêmement attachés. Si la Halle au change est peu connue du public, la façade de l’Hôtel Aubriot s’inscrit dans l’une des perspectives urbaines les plus familières de la cité. Quant à l’Hôtel Chambellan, sa cour, son escalier à clef, sa galerie peuvent être considérés comme un symbole de notre ville.

Ce qui est vrai des Dijonnais l’est tout autant des visiteurs, qui sont très nombreux à admirer ces témoignages de la cité médiévale. Une cession à des particuliers ne pourrait que restreindre l’accès nécessaire à ces sites, qui demanderait au contraire à être développé.

La défense de la mémoire monumentale de Dijon est totalement incompatible avec l’abandon des responsabilités et des devoirs qui incombent en ce domaine aux autorités élues. C’est pourquoi nous tenons à vous exprimer notre émotion devant le projet de cession qui doit être examiné et vous demandons instamment de faire le nécessaire pour y surseoir.

Veuillez croire, Monsieur le maire, à nos sentiments respectueux.


Christine Lamarre, Jean-Paul Thevenot,

Cette lettre est également restée sans réponse.


Ce double silence engendre bien des inquiétudes. Le texte du rapport voté le 30 mai alimente également les craintes. La libre entrée dans la cour de l’Hôtel Chambellan est traitée dans un paragraphe ainsi conçu : « l’acquéreur envisage la restauration de ces deux propriétés communales et leur aménagement en logements, avec la possibilité éventuelle d’accueillir des activités culturelles dans l’hôtel Chambellan, sous réserve du respect des conditions de sécurité. Il est précisé que la cour et l’escalier circulaire extérieur ouest de l’hôtel Chambellan resteraient accessibles au public ». On remarquera l’abondance des conditionnels et des réserves qui finalement n’obligent à rien le futur acquéreur : voyez, pour vous en convaincre, l’article 1 très révélateur dans sa sécheresse. Avant même qu’il ne soit question de la cession des « ensembles immobiliers », il permet à l’acquéreur de faire ce qu’il veut des accès (et d’une éventuelle ouverture) puisqu’il propose « la désaffectation et le déclassement du domaine public communal de la cour de l’hôtel Chambellan, de son accès depuis la rue des Forges et de l’escalier extérieur ouest ». Que vaut un « resteraient accessibles au public » face à ce total abandon ? Faute d’avoir vu les promesses synallagmatiques de vente annoncées dans le même document, on ne peut que craindre la fermeture de la cour demain ou un peu plus tard, au gré de celui qui possédera en pleine propriété cet ensemble remarquable, qui a été si longtemps symbolique de Dijon et qui, rappelons-le, a été restauré, pour la galerie de bois, avec de l’argent public il n’y a pas si longtemps !


Pourtant la ville ne semble pas tout à fait indifférente à son patrimoine : lisez le dernier numéro de « Dijon, notre ville », le n° 205, vous y trouverez un article intitulé : « le label ville d’art et d’histoire : les premières applications » (p.28). Qu’y verrez vous pour illustrer ces « premières applications » : une photographie de la statue du jardinier de l’hôtel Chambellan (bien présent, par ailleurs, dans les documents du dossier de présentation des villes d’art et d’histoire), celui là même que vous ne pouvez déjà plus voir. Allez maintenant à l’hôtel Chambellan, un panneau de contreplaqué (tagué) vous interdira l’accès à l’escalier et aux galeries, comme vous le voyez sur la photographie qui accompagne cet article ! Est-ce du cynisme ? Est-ce une politique digne du label que l’on tente d’obtenir ? Si ces monuments sont représentatifs de Dijon au point qu’on les choisisse pour emblèmes du patrimoine dijonnais dans la revue municipale, pourquoi ne pas placer, dignement, le Centre d’interprétation de l’Architecture et du Patrimoine dans l’un des deux hôtels, voire dans les deux ?L’hôtel Bouchu d’Esterno, pressenti pour l’abriter, est excentré par rapport au trajet le plus largement partagé des touristes, il est situé au bout d’une place dévolue aux bus, aux stationnements des vélos et motos et dont tout l’aménagement est à revoir, il ne convient guère pour ce rôle. N’est-ce pas gâcher des opportunités majeures pour le développement touristique de Dijon que d’abandonner ces deux monuments et leur refuser, avec cette nouvelle fonction, une nouvelle vie au service aussi bien des Dijonnais que des touristes ?


Pour faire partager notre inquiétude et attirer l’attention de tous sur ce choix lourd de conséquences durables, le conseil d’administration a décidé de vous envoyer une pétition que nous souhaitons voir très largement diffusée et signée, car sans vous nous ne pouvons rien, dont voici, à nouveau, le texte :





Lors de sa séance du 30 juin 2008, le Conseil municipal de Dijon a autorisé le maire à vendre à un particulier deux bâtiments situés aux nos 34-36 et 40 de la rue des Forges et 5 rue Musette. Cela n’aurait rien d’anormal si ces bâtiments n’étaient les Hôtels Chambellan et Aubriot, deux des demeures les plus anciennes et les plus prestigieuses du Vieux Dijon.


Les signataires tiennent à exprimer leur totale réprobation face à cette dilapidation du patrimoine historique de la cité.


- Ils refusent que ces deux Hôtels les plus admirés de Dijon, représentant pour de nombreux visiteurs les véritables emblèmes de la ville et de son patrimoine quittent le domaine public. La façade de l’hôtel Aubriot, l’escalier de l’hôtel Chambellan ont été reproduits sur de nombreuses couvertures de livres, brochures et dépliants consacrés à Dijon, il n’y a pas un présentoir de cartes postales où on ne les voie.


- Ils jugent incohérent qu’au moment même où Dijon va obtenir le label « ville d’art et d’histoire », elle se défasse d’édifices majeurs de son patrimoine dont l’un a abrité son Office de Tourisme pendant des années. Il y a là une démission inacceptable, au moment même où la plupart des grandes villes de province considèrent comme un devoir de reconquérir leurs monuments anciens.


- Ils ne croient pas que les promesses de maintenir l’accès libre à la cour et à l’escalier de l’Hôtel Chambellan, tel qu’il se pratique depuis des années au bénéfice d’innombrables visiteurs, soient fiables à long terme. En d’autres temps, un accès avait été promis aux souterrains du Château en échange d’un autre déclassement, on sait ce qu’il est advenu de cette promesse…


- Ils s’inquiètent des atteintes à l’intégrité des structures intérieures que ne manquerait pas de provoquer la transformation des deux Hôtels en immeubles de rapport.


- Ils s’indignent enfin que les dernières volontés de Stephen Liégeard, dont le testament porte legs à la Ville de l’Hôtel Aubriot, soient bafouées.


Pour toutes ces raisons, les signataires demandent que la procédure de vente des Hôtels Aubriot et Chambellan soit arrêtée et que les deux immeubles restent dans le patrimoine communal et commun à tous les Dijonnais.


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Télécharger le texte de la pétition et la feuille de signatures en format PDF



Vous pouvez imprimer et renvoyer la pétition à : ARVD - 12 rue du Petit-Potet - 21000 DIJON


Sa diffusion auprès de vos connaissances, amis, commerçants est largement encouragée.


Pour signer en ligne la pétition lancée par l'ARVD, cliquez ICI


Pour plus de renseignements, vous pouvez nous écrire par mail à contactdijonpatrimoine@gmail.com




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